Materials Research Activities

Letter from Jacques Friedel to Bernadette Bensaude-Vincent

Jacques Friedel

 le 18 novembre 2001

Chère Madame Bensaude-Vincent,

J’ai lu avec attention et intérêt votre analyse sur « Materials Science in the United States ». Je pense que vous avez fait un effort de synthèse remarquable sur un sujet aussi diffus et la lecture de votre texte avant notre interview aurait peut- être permis de mieux polariser notre discussion.

J’ai quelques remarques générales : le titre comporte « sciences » mais le texte parle autant (dans la 2° moitié) d’ « engineering ». D’autre part le texte déborde largement des US.

Je pense que la « dynamique »matériaux s’est développée aux US par suite d’un manque d’instituts ou de grands laboratoires de recherche universitaire en dehors des domaines à grands instruments comme le nucléaire, les hautes énergies, le spatial....La situation est un peu similaire en GB (à part des centres peu nombreux comme Cambridge, Oxford, Bristol...), mais différente en Allemagne (avec les Max Planck), en France : à partir des années 40 (LP CNRS ) et surtout 60 (LA CNRS).

Il y a d’autre part certains manques. Vous ne parlez pas des cristallographes qui, en GB, en Allemagne et en France mais aussi aux USA, ont joué un rôle pionnier dans l’étude des cristaux, des défauts cristallins, des amorphes, des changements de phase comme dans le développement des instruments (neutrons aux USA), électrons en GB, rayonnement synchrotron (en Italie puis aux USA et en France...).

La césure entre matériaux de structure et matériaux électroniques, très dommageable aux deux, particulièrement forte aux USA n’est que notée au passage. Enfin des domaines certes très européens au départ comme les agrégats et les quasicristaux manquent un peu.

Une étude aurait pu être faite sur l’analyse des relaxations plastiques en front de fissure. Celle-ci avait, avant le développement des dislocations, pris un virage très fondamental, barré avec les accidents des Comets par l’urgence de trouver des parades pratiques. On est revenu aux analyses macroscopiques, avec des paramètres tirés de l’expérience mais qui varient avec les conditions de fracture. Ce n’est qu’assez récemment, avec des gens comme Pinault à l’Ecole des mines – Corbeil, qu’on est revenu à des analyses plus microscopiques et physicochimiques. Cet aller-retour est, je pense, typique de bien des domaines. Il souligne une difficulté fondamentale de traiter un domaine comme un tout. C’est le dialogue qui doit être perpétuel entre les progrès fondamentaux et les applications. Sauf cas très rares, je ne crois pas qu’un seul institut des matériaux, universitaire ou industriel, ait créé de toutes pièces et en allant jusqu’à l’application une seule découverte utile.

Enfin sous cette pression US notamment, c’est le soutien de toute recherche dans le « hard » qui a été compris comme « materials », en opposition avec le « soft » et le « bio ». Ces dernières années, ce sont ces deux autres domaines qui ont eu la suprématie. Mais je ne pense pas la situation viable très longtemps.

Bien cordialement

Jacques Friedel

This page was last updated on 28 April 2004 by Arne Hessenbruch