Interview Paul Hagenmuller
12 June 2001, Paris
Conducted by Hervé Arribart and Bernadette Bensaude-Vincent
(Sorry,
French only)
Hervé Arribart (HA): Pouvez vous retracer votre formation, vos
débuts dans la carrière?
Paul Hagenmuller (PH): Depuis que je m'intéresse à la science
je me suis préoccupé de la physique. Je me suis demandé
pourquoi les matériaux avaient telle ou telle couleur, tel ou tel
comportement électrique, magnétique, optique ... J'ai donc
été porté vers la physique, plus tard vers la mécanique
par extension, dès que j'ai entrepris mes études de science.
Ces études ont eu lieu en 1940 à l'université de
Strasbourg, repliée à Clermont Ferrand. Mon statut était
celui d'un réfugié politique puisque j'avais quitté
l'Alsace pour échapper au système politique allemand et
parce que je me refusais d'être un jour mobilisé dans l'armée
allemande. A Clermont, pour des raisons financières j'ai fait le
choix de la chimie, séduit par la diversité des méthodes
de préparation mais choqué parce que la chimie était
alors très descriptive et n'était pas encore une science
déductive, de réflexion.
Sur place, je suis entré en résistance, je faisais du sabotage.
J'ai été arrêté en 1943 et envoyé en
camp de concentration à Buchenwald.
Là j'ai appris à me taire. J'ai travaillé sur les
V2. J'ai appris le russe avec les prisonniers russes; j'avais de bons
contacts avec les communistes allemands. Puis j'ai été envoyé
à Dora où c'était plus dur.
Après la guerre, André Chrétien m'a proposé
un sujet de thèse sur la formation de nitrites complexes en solution
aqueuse, puis une recherche sur la réduction de divers oxydes par
des hydrures d'alcalino-terreux. J'ai accepté parce qu'il y avait
un appareil mathématique. Puis au lendemain de ma thèse
je me suis dit: il faut que je travaille sur des choses plus concrètes,
les matériaux. J'ai voulu revenir à mes anciennes amours
les matériaux. Je suis parti au Vietnam dans le cadre d'un accord
avec la direction de l'enseignement supérieur et moi. Je partais
pour deux ans 1954-56, au moment où la France se désengageait
et voulait garder des relations culturelles. Au retour il était
entendu que je pourrai choisir un poste de maître de conférences
parmi ceux qui étaient disponibles en chimie. Ces deux ans de Vietnam
ont été pour moi une période de décantation,
de réflexion. Et quand je suis revenu j'ai voulu, d'une part, me
préoccuper de physique ce qui suppose la détermination des
structures atomiques - pour comprendre les propriétés physiques
il faut savoir quelles sont les positions des atomes - et, d'autre part,
il faut une certaine habileté à préparer des matériaux
par des techniques nouvelles fort différentes.
HA:Quelles étaient alors les relations entre physique des solides
et chimie des matériaux en France?
PH: Aujourd'hui la physique s'est beaucoup rapprochée de la
chimie parce que, de part et d'autre, on a compris que c'était
indispensable pour faire des matériaux à propriétés
spécifiques intéressantes sur le plan de la science fondamentale
et intéressantes aussi sur le plan des applications. Au début
des années 60, on en était à se chercher. Moi, j'avais
fait un choix très clair: faire une chimie orientée vers
la physique, plus tard vers la mécanique. Maintenant c'est devenu
presque de routine, ne serait-ce que par ce que les chimistes pour bien
connaître leurs matériaux sont obligés d'utiliser
des méthodes de caractérisation physiques. La physique s'est
imposée dans les perspectives de la recherche comme par les nécessités
quotidiennes: savoir où sont les atomes et les électrons.
Donc au retour du Vietnam mon objectif était d'associer la physique
et la chimie. J'ai eu la chance que dans mon poste à Rennes il
y avait quantité d'excellents étudiants, mais en chimie
personne ne voulait faire de la recherche sous prétexte qu'il n'y
avait pas de moyens. J'ai décidé que j'allais lancer des
thèses dans ce domaine à l'interface de la physique et de
la chimie. On a d'abord tâtonné. On a travaillé sur
le bore, sur les hydrures. Parmi les études réalisées
à Rennes se trouvait la réduction d'oxydes par l'hydrure
de lithium. On était intéressé par les hydrures de
bore et d'aluminium qui comportaient des liaisons dites pont-hydrogène
originales. Ceci m'a donc amené à réduire le V2O5
par l'hydrure de lithium et nous avons constaté qu'il y avait des
phases intermédiaires qui devaient être les futurs bronzes
de vanadium et de lithium, qu'on a appelées plus tard b et g. La
phase a étant la solution solide de lithium dans V2O5. Alors j'ai
pensé que ces matériaux étaient intéressants:
s'il y a là un domaine d'existence, les propriétés
physiques doivent varier à l'intérieur de ce domaine et
si, par chance, ce domaine est suffisamment grand on peut faire ce qui
est plus difficile dans les solutions solides limitées, de type
oxydes non stoechiométriques. On s'est préoccupé
de manière systématique des bronzes de vanadium qu'on a
préparés par voie synthétique. Dans les années
qui ont suivi - de 1960 à 70, j'étais alors à Bordeaux
où un grand nombre de chercheurs de Rennes m'avaient suivi - on
a préparé un grand nombre de phases de bronzes de vanadium
par analogie avec les bronzes de tungstène qui avaient déjà
été signalés. On a fait systématiquement des
études magnétiques et électriques pour caractériser
le mode de conductivité. Il est apparu que lorsqu'on insérait
le lithium dans le réseau, on remplissait les états électroniques
du vanadium , qui forment la bande de conduction. Les électrons
devenaient donc de plus en plus délocalisés au fur et à
mesure que leur nombre augmentait et on passait d'un état semi-conducteur
à l'état métallique.
Bernadette Bensaude-Vincent (BBV): Quelles étaient vos relations
avec le groupe de Robert Collongues?
PH: Collongues avait été élève de Georges
Chaudron, comme André Michel, Paul Lacombe, Jacques Bénard.
J'avais d'excellentes relations avec Collongues. Nos domaines se recouvraient
partiellement sur la non-stoechiométrie mais on avait des approches
différentes. Lui enlevait des ions, nous on faisait de la chimie
d'insertion. Collongues aimait bien se singulariser par rapport à
moi mais dans la pratique nous avions la même politique sur des
matériaux différents. Il y avait chez lui le même
désir de systématique et de réflexion en profondeur.
Collongues considérait que la bonne expérience était
importante mais qu'elle devait illustrer une réflexion de fond.
Il pensait que la science était avant tout la réflexion
intellectuelle.
J'ai fait de la chimie sous pression à la manière d'un tailleur:
choisir une structure cristallographique, écrire la formule d'une
composition chimique, puis la stabiliser dans un degré d'oxydation
élevé. Après avoir discuté la structure puis
la formule, on préparait sous haute pression. C'était du
design pour la conductivité électronique, les propriétés
magnétiques, ou les propriétés magnéto-optiques
et plus tard également pour la conductivité ionique.
Nous nous intéressions systématiquement à l'évolution
de toute propriété physique originale en fonction de la
composition et de la structure. Un noeud important dans cette évolution
fut le colloque organisé à Bordeaux en 1964 sur les oxydes
d'éléments de transition.
HA: Quelle fut la portée de ce colloque de 1964?
PH: Ce fut le moment où s'est constituée une communauté
internationale de chimie du solide. Le colloque a rassemblé les
chimistes qui nous étaient familiers, des cristallographes (Erwin-Felix
Bertaut, Charles Guillaud), des physiciens (Jacques Friedel). Parmi les
étrangers Mike Sienko, John
Goodenough du Lincoln Laboratory
au MIT qui est venu pour la première fois à Bordeaux;
des Allemands: Wilhelm Klemm, Rudolf Hoppe, Harold Schäfer; des Hollandais,
des Belges, etc. Il est apparu qu'une conjugaison des méthodes
de mesure physique, des méthodes de détermination structurale
et une certaine flexibilité pour les changements de composition,
pouvaient permettre d'optimiser un certain nombre de propriétés
physiques. D'abord le magnétisme, ensuite il y a eu la ferro-électricité
- comment accroître la distortion ferro-électrique et par
voie de conséquence la polarisation; enfin, la conductivité
ionique, d'abord dans des matériaux isolants au point de vue électronique
et ensuite dans des matériaux dits cathodiques utilisables dans
des batteries parce que conducteurs mixtes.
Je dois dire que ce qui fut déterminant pour l'avenir de la chimie
du solide ce fut la venue de John Goodenough à ce congrès
parce qu'il a popularisé parmi nous l'idée de l'importance
de la liaison chimique. On a compris qu'on pouvait renforcer ou atténuer
la liaison chimique en modifiant la composition, en particulier en jouant
sur la liaison antagoniste. Par exemple si on compare le zirconate de
baryum avec le titanate de baryum, la liaison baryum-oxygène est
renforcée dans le zirconate par rapport au titanate. Inversement
si on remplace dans le titanate de baryum, le baryum par le strontium
comme la liaison strontium -oxygène est plus forte que la liaison
baryum-oxygène, la liaison titane-oxygène est affaiblie,
ce qui peut amener une variation très forte de la polarisation
en fonction de la température, juste en dessous de la température
de Curie. Et on peut avoir ainsi des matériaux aux propriétés
intéressantes.
HA: Le rapprochement de la physique et de la chimie avec une orientation
vers les applications constituerait-il donc l'identité de la chimie
du solide à cette époque?
PH: Oui nous avions un besoin civique de justifier les crédits
que nous demandions par une application dans la vie économique.
De plus, le travail avec des industriels fait naître des problèmes
inattendus qui sont des challenges et qui sont nourrissants.
Une deuxième date importante dans l'institutionnalisation de la
chimie du solide est 1978. Sur mon initiative la Société
française de Chimie a créé en 1976 une division de
chimie du solide, dont j'ai naturellement été le président.
J'ai organisé la même année un premier colloque national
de chimie du solide à Nantes. Sur ma proposition et sous ma présidence
s'est tenu à Strasbourg en 1978 le premier congrès européen
de chimie du solide, organisé par Jean-Claude Bernier (Strasbourg
a été choisi pour une raison stratégique,). L'intervalle
entre deux congrès consécutifs est maintenant de 3 ans;
le huitième congrès européen a lieu en juillet 2001
à Oslo.
HA: Quel était l'état des relations entre science et
industrie en France à cette époque?
PH: Il y avait une tradition de collaboration en métallurgie et
en chimie: Chaudron et ses élèves, Lacombe, Bénard
étaient très impliqués. Robert Collongues l'était
aussi dans le domaine des monocristaux. Mais il y avait une forte hostilité
syndicale au nom des grands principes: il ne faut pas mettre la science
au service des grands intérêts privés. Les choses
se sont atténuées à la veille de l'élection
présidentielle de 1981. J'ai eu la visite de M. Kahane, longtemps
doyen à Orsay , qui s'était rallié à la collaboration
avec l'industrie privée. Cela a facilité cette évolution
qui, de ma part, ne rencontrait aucune résistance car j'étais
un scientifique et je n'avais pas à me poser des problèmes
de déontologie qui me paraissaient un peu artificiels. Mais une
partie de mon entourage était réticente à travailler
avec l'industrie.
HA: Est-ce la crise pétrolière de 1973 qui a contribué
à anoblir le rapprochement entre science et industrie?
PH: Oui. Du fait de notre préoccupation entre propriétés
physique et composition, nous avons été conduits à
travailler sur des composés non-stoechiométriques d'intercalation
et nous avons constaté après 1973 qu'il y avait possibilité
d'intercalation ou désintercalation à basse température
grâce à l'électrochimie comme on le faisaient aux
Etats Unis. Exxon
et Bell étaient
plus concernés que nous par la crise de l'énergie.
Les recherches sur la conductivité ionique ont été
encouragées par la crise de l'énergie. Après la zircone
déjà exploitée par Nernst, puis étudiée
par la NASA et par Collongues; il y
avait eu AgI. Puis il y a eu l'alumine-b qui a suscité de nombreux
travaux. CGE a dépensé
beaucoup d'argent. L'alumine-b est un matériau très particulier.
J'étais très sceptique. On a abaissé la température
de fonctionnement, mais c'est encore trop haut pour un véhicule
électrique. Et puis le soufre attaque la membrane. Finalement on
a renoncé, pensant qu'avec des batteries au lithium on irait plus
loin. Les derniers efforts de développement visaient plutôt
le stockage d'énergie en période creuse. Les nasicons eux
ne sont pas attaqués et ils présentent un avantage au plan
fondamental car leur structure est plus simple. Ils ont de bonnes performances,
qu'on pouvait maîtriser avec une juste proportion de sodium.
HA: Pouvez vous évoquer vos travaux sur la conduction ionique?
PH: Avant 1973, on a publié un grand nombre de documents sur
des conducteurs ioniques. On s'inspirait comme modèle de réflexion
des bronzes de tungstène bien que la plupart des travaux publiés
à l'époque fussent des études structurales et que
les bronzes de tungstène soient métalliques. On avait également
préparé une série de nouveaux bronzes de tungstène.
Ce travail s'est étendu à des bronzes oxyfluorés,
à des bronzes de vanadium et de molybdène contenant les
deux cations vanadium et molybdène plus le sodium et le lithium.
Puis au début des années 1970, on s'est attaqué aux
premiers bronzes de manganèse NaxMnO2 et puis aux bronzes de cobalt
KxCoO2.
Sur ces entrefaites il y a eu la grande crise pétrolière
de 1973. Les pays occidentaux ont eu peur de manquer d'énergie
et donc on s'est occupé de sources d'énergie non fossile
et de stockage d'énergie. Un certain nombre de gens ont voulu faire
des batteries. Exxon et la Bell Telephon, Whittingham
et Murphy en particulier, ont travaillé sur ces matériaux
non plus comme nous l'avions fait vers 500°C avec des phases en équilibre
thermodynamique mais à basse température par intercalation
ou désintercalation électrochimique.
Une spécialité à Bordeaux c'était les fluorures
conducteurs. On remplaçait systématiquement l'oxygène
par du fluor parce qu'il a la même taille et présente une
liaison plus faible. On pouvait ainsi atténuer les interactions
magnétiques. Comme pour la zircone, on dope les fluorures systématiquement.
Watanabe avait déjà préparé les premières
batteries au fluor.
Jean Rouxel s'était intéressé à l'époque
où il était mon élève aux sulfures, aux sulfures
à couche en particulier. Entre les couches de FeOCl et FeSCl par
exemple, on pouvait intercaler beaucoup de choses, comme l'ammoniac ou
les amines. Jean Rouxel a préparé NaxTiS2, un matériau
qui avait été préparé par Rudorf à
Fribourg, qui le considérait comme une curiosité. Mais Rouxel
a très vite réalisé qu'il devait y avoir un domaine
d'existence. Or il s'est avéré que Li xTiS2 avait un large
domaine d'existence. Jean Rouxel a poussé dans cette voie et il
a étudié un grand nombre de sulfures et sélénures
à feuillets alors que nous nous intéressions plutôt
aux oxydes. Il y avait une sorte d'accord empirique entre nous: Nantes
les sulfures, Bordeaux, les oxydes. Nous avons étudié des
matériaux sur le plan de la synthèse, dans des conditions
d'équilibre thermodynamique plus que par intercalation désintercalation.
Il y a une grande variété de méthodes topologiques
ou non de relative basse-température qui permettent d'obtenir des
matériaux nouveaux. Mettre un mélange très fin de
poudres sous hautes pression pour que se déclenche une réaction
brutale qui prend fin lorsque l'un des deux constituants initiaux a disparu.
Donc c'est un échauffement brutal suivi d'une trempe. Ce qui permet
d'obtenir des borures ou des silicium stables seulement à haute
température.
Beaucoup de ces matériaux sont métastables mais on peut
les utiliser dans des dispositifs.
Jean Rouxel a apporté beaucoup dans le domaine des réactions
d'intercalation-désintercalation. Les oxydes lorsqu'on les désintercale
perdent des électrons cationiques. C'est une oxydation cationique.
Lorsqu'on part de LixCoO2 vers CoO2 on perd des Li+, mais on perd également
des électrons qui proviennent des niveaux d. Mais pour les séléniures,
ce sont les niveaux anioniques qui sont les plus élevés.
Et lorsqu'on oxyde, c'est l'anion qu'on oxyde. On passe de Se2- à
Se- et de Se- à Se pour des raisons de stabilité de liaison.
Et Jean Rouxel a montré qu'il y avait une évolution graduelle
pour les éléments 3d à l'état de sulfure entre
TiS2, qui a une structure à couches, et CuS2 qui a une structure
avec un ion S de type pyrite. Il a fait une analyse précise dans
les cas douteux où les niveaux cationiques et anioniques sont à
peu près de même énergie. L'analyse très fine
des distances inter-atomiques lui a montré si c'était le
cation ou l'anion qui était oxydé. Il a également
fait beaucoup de choses sur les bidimensionnels qui sont ici hors sujet.
HA: Qu'est-ce qui a manqué en France alors que les compétences
étaient là pour donner l'impulsion sur les batteries au
Lithium?
PH: Il y a un très grand nombre de batteries réversibles
au lithium pour des applications diverses depuis les montres jusqu'aux
batteries de taille moyenne utilisées par les militaires pour observation
spatiale avant bombardement. Mais le marché important, c'est le
véhicule électrique, non polluant. Du moins en partie car
on s'est résigné au véhicule hybride. Le véritable
marché ce serait la voiture électrique -éventuellement
hybride- ce qui suppose des batteries de grande taille. Probablement l'électrolyte
sera un polymère PEO imprégné d'un sel de lithium
avec un gros anion, type matériau Armand. La cathode sera probablement
riche en cobalt ce sera un matériau voisin de LixCoO2, plutôt
un oxyde qu'un sulfure parce que la tension est plus élevée.
Mais pour l'anode ce n'est pas encore évident. Si on pouvait faire
mieux que les composés d'intercalation du lithium on serait content.
Mais actuellement il n'y a pas encore de solution. Il y a donc premièrement
un problème de matériau qui freine cette évolution.
Deuxièmement il y a un problème de prix. Ajoutez à
cela qu'une batterie au lithium doit être scellée car le
lithium est sensible à l'atmosphère et vous voyez que ce
n'est pas évident. Une solution concurrente est la batterie hydrogène
consistant à stocker l'hydrogène dans un alliage métallique
et puis à libérer l'hydrogène. Ce modèle permet
des puissances plus élevées que la batterie au lithium mais
là aussi il y a un problème de vieillissement car après
un certain nombre de cycles, l'alliage s'oxyde car l'oxyde est plus stable
que l'hydrure. Ce problème n'est pas encore résolu avec
un coût acceptable pour l'utilisateur. A cet égard, il y
a une coupure entre le scientifique et l'utilisateur.
HA: Concernant les relations entre physique et chimie qu'est-ce qui
a favorisé le rapprochement?
PH: Les physiciens ont fait des efforts pour parler un langage plus proche
de celui des chimistes. J'ai parlé déjà de John
Goodenough. Nevil Mott aussi était un homme qui s'exprimait
dans un langage compréhensible pour un chimiste. Par exemple, lorsqu'il
a obtenu des transitions isolantes par changement de composition au sein
d'un domaine d'existence, on comprenait ses préoccupations et il
comprenait les nôtres bien qu'on raisonne sur des modèles
un peu différents. On est ainsi arrivé à préparer
dans des bronzes de tungstène oxyfluorés des matériaux
qui sans changement de structure manifestaient une transition métal-isolant.
Les physiciens ont fait des progrès. L'équipe de Friedel
était très préoccupée de parler un langage
qui nous était commun. Je pense à Denis Jérôme,
Claude Berthier à Grenoble.
HA: Le travail de physiciens sur la caractérisation très
fine vous a-t-il aidé?
PH: Je me souviens de discussions à Orsay sur les hexaborures.
Les physiciens voulaient des matériaux qu'on appelait thermo-ioniques
- mais c'est un mot malheureux: on devrait plutôt dire thermo-électronique
- c'est à dire ayant un faible potentiel d'ionisation et susceptibles
de cracher un jet d'électrons relativement puissant sous tension
faible. On en a fait une étude systématique et on a essayé
de préparer des cristaux.
HA: Et quel était l'enjeu?
PH: L'enjeu était d'avoir ponctuellement un faisceau d'électrons
puissant, par exemple pour des soudures, des soudures localisées.
Outre la collaboration avec les physiciens d'Orsay on a aussi collaboré
avec ceux de Grenoble. Plus que ceux d'Orsay, les physiciens de Grenoble
avaient un langage très compréhensible. Il y avait un grand
homme à Grenoble, Louis Néel. Il avait publié son
travail sur le ferrimagnétisme en s'appuyant sur des modèles
structuraux très clairs. La répartition des cations entre
les sites tétraédriques et les sites octaédriques
de la structure spinelle. Donc on comprenait pourquoi on avait des interactions
d'abord anti-ferromagnétiques - ce qui constitue la base du ferrimagnétisme
- entre des sites tétraédriques A et des sites octaédriques
B, et pourquoi l'aimantation résultante était accrue lorsque
le réseau prévalent contenait des cations avec beaucoup
d'électrons d célibataires. Tous ces travaux - encouragés
par les recherches militaires - ont permis une collaboration très
fructueuse avec Grenoble. Je pense à Bertaut en particulier. Nous
avons été encouragés, par exemple, à faire
des études basse-température par Pauthenay qui nous a dit:
c'est aux basses- températures qu'on détecte les phénomènes
peu énergétiques.
Alors c'est l'époque où nous avons manqué le
prix Nobel - Je dis cela en plaisantant, bien sûr!-. Nous avons
préparé les premiers oxydes purs de Cu3+: par exemple SrLaCuO4.
Nous avions une telle habitude des solutions solides qu'on pouvait imaginer
de préparer une solution solide avec La2CuO4 contenant du Cu2+.
Mais pour nous, les solutions solides, c'était du travail secondaire.
On cherchait à préparer des oxydes purs. Si on avait été
préoccupé des solutions solides on aurait pu trouver des
oxydes contenant à la fois du cuivre Cu 2+ et 3++. Comme par routine
on caractérisait tous nos matériaux jusqu'à la température
de l'hélium liquide, on aurait trouvé la supraconductivité.
On ne l'a pas fait parce qu'on voulait des phases pures et non pas des
solutions solides.
Bernard Raveau l'a fait avant Alex
Müller. Il avait un objectif: comprendre ce qui se passait au
point de vue des corrélations. Passer d'un semiconducteur à
un métal. Müller était un très grand physicien.
Il a été surpris aussi mais il a tout de suite expliqué.
Raveau a fait ses solutions solides. C'est même moi qui ai transmis
sa publication au M[aterials] R[esearch] B[ulletin] mais j'ai regretté
à l'époque qu'il n'ait pas fait de mesure à l'hélium
liquide.
HA: Après avoir évoqué vos collaborations en
France pourriez vous parler de vos liens avec l'étranger? Vous
avez été précurseur pour les relations scientifiques
avec les pays en voie de développement comme la Chine, le Maroc
et l'Inde. Quelles étaient vos motivations? Comment voyez vous
la science des matériaux dans ces pays?
PH: J'ai toujours été persuadé que la science devait
être internationale. Cela me distingue de beaucoup de mes compatriotes.
Je suis toujours étonné que l'on fasse des quêtes
pour aider la recherche en France sur le SIDA. Toute la recherche sur
le SIDA, toute recherche de pointe est internationale et ce n'est pas
parce que la France dépensera un peu plus d'argent que nécessairement,
il y aura des progrès significatifs. La science doit être
internationale.
J'ai donc eu des liens d'abord avec les pays développés
car dans ce type de relation on se fait connaître mais aussi on
apprend. Je suis allé souvent aux Etats Unis, moins par enthousiasme
culturel, que parce qu'on y rencontre des gens de qualité. J'ai
rencontré Goodenough, Al
Cotton... j'ai rencontré à Berkeley ou à Stanford
des gens de grande qualité. J'ai eu des relations suivies pendant
un temps avec la Grande Bretagne mais les Anglais ont un sentiment de
quant à soi. J'espère qu'avec le temps la Grande Bretagne
va évoluer vers une intégration dans l'Europe. Les Allemands
sont très favorables à cette intégration. Dès
1961 j'avais pris l'initiative d'emmener tout mon laboratoire en Allemagne
pour un voyage de 15 jours. On est allé à Stuttgart, Karlsruhe,
Heidelberg, Darmstadt, Giessen, Göttingen etc.. On a été
très bien reçu par Wilhelm Klemm avec qui j'ai toujours
entretenu d'excellentes relations. Mais ses élèves étaient
jaloux. Les Allemands se sont sentis bousculés parce qu'un peu
jaloux de gens qui faisaient beaucoup de bruit. Ils avaient une bonne
tradition de chimie préparative, en relation avec l'industrie.
Les Allemands ont compris que pour faire des matériaux nouveaux
il fallait des techniques nouvelles comme la haute pression. Mais leur
but c'était la performance tandis que le nôtre c'était
de stabiliser des structures électroniques peu usuelles, grâce
à la synthèse. Les Allemands se sont sentis un peu gênés.
Les gens leur disaient: vous utilisez des équipements de haute
pression mais ce que vous faites c'est de la botanique alors qu'il faudrait
réfléchir. Le but d'un équipement est de faire des
matériaux à façon pour répondre à des
problèmes déterminés. Les collègues allemands
avaient un autre point de vue et je regrette qu'il n'y ait pas eu davantage
de liens.
En revanche, toujours parmi les pays développés, j'ai eu
beaucoup de liens avec l'Europe de l'Est. Pour deux raisons. D'abord,
il y avait des gens de qualité chez les Soviétiques, les
Polonais et les Tchèques. De plus j'étais un peu agacé
de cette Europe coupée en deux du fait de la guerre froide. Donc
je trouvais raisonnable qu'il y ait une présence de la France là
où c'était relativement facile, c'est à dire la science.
C'était intéressant pour eux et pour nous car nous avons
eu de ces pays des personnes remarquables. J'ai eu des relations systématiques
avec des laboratoires à Prague, Cracovie, à Moscou, à
Kiev, Novosibirsk, à Sofia. Avec la Roumanie, c'était impossible
car Madame Ceaucescu interdisait aux scientifiques de discuter avec des
étrangers.
Avec les pays en voie de développement, la situation change d'un
pays à l'autre. J'ai eu des relations avec le Maroc parce que l'université
de Bordeaux et l'université de Rabat avaient des liens traditionnels.
Je suis allé y faire cours. Il y avait de très bons étudiants
je les ai encouragés à faire une thèse. Le nombre
a crû considérablement. 30 ou 35 Marocains ont fait des thèses
avec moi. J'avais une politique de sélection impitoyable; je prenais
les meilleurs et je les surpayais. Je voulais qu'ils n'aient pas de souci
matériel pendant leur thèse. J'ai eu des liens plus occasionnels
avec la République du Congo et quelques Tunisiens mais ils préféraient
Marseille.
Avec la Chine j'ai fait un choix politique. J'ai compris que la Chine
était un potentiel économique et humain. La France devait
être présente à un moment où la Chine était
exclusivement tournée vers les Etats-Unis. Je suis allé
souvent en Chine. J'ai fait venir des étudiants chinois en les
choisissant bien sûr excellents. Mes espoirs ont été
dépassés par le succès car ils ne sont pas retournés
en Chine mais partis au Canada ou aux Etats-Unis comme professeurs ou
dans l'industrie. Ils se sont bien débrouillés. Maintenant
c'est différent ; une majorité d'étudiants chinois
reviennent en Chine.
L'Inde est aussi un pays avec lequel j'ai eu des relations. C'est une
société où le savoir est respecté, une science
de caste malgré l'abolition officielle des castes. Thaïlande,
Malaisie, Indonésie...j'ai privilégié les pays asiatiques
par rapport aux pays africains car la culture asiatique favorise la réflexion
métaphysique et par conséquent scientifique. Néanmoins
j'ai eu aussi des collaborations avec le Brésil, le Chili et l'Argentine.
Le but étant d'aider ces pays dans leur développement industriel.
Je suis d'ailleurs membre de l'Académie des sciences brésilienne
depuis 1988.
Vis à vis des étudiants du tiers monde, j'ai toujours considéré
comme ma responsabilité de leur donner une thèse originale
et non pas, comme on le fait souvent, de leur faire remplir des vides
dans le laboratoire ou de servir de main d'oeuvre. Les étudiants
du tiers monde que l'on fait venir en Europe il faut bien les choisir
et bien les former pour qu'ils deviennent des maîtres.
HA: Je serai curieux de connaître votre point de vue sur l'évolution
de la chimie des matériaux et le rapprochement avec la biologie.
PH: Je ne me sens pas compétent dans l'interface chimie/biologie.
Mais mon expérience à l'interface physique et chimie me
rend plutôt sympathique cette perspective d'une ouverture de la
chimie vers la biologie. Elle est défendue par Pierre Pottier,
Guy Ourisson, Corriu.
Sur l'interface physique/chimie, cela s'est moins bien passé. Peut-être
que je n'ai pas su convaincre. Quand on prêche, on se fait des adeptes
mais aussi des ennemis. Cela est vrai au CNRS.
Celui qui prêche secoue les caciques, les gens en place. Quelqu'un
comme Fernand Gallais était fermement hostile à mon projet
d'interface avec la physique. Par contre j'ai rencontré beaucoup
de sympathies du côté de Pottier, de Jacques
Livage.
Pour revenir aux oxydes supraconducteurs, il s'agit d'un cas intéressant
de collaboration entre physiciens et chimistes. Très vite, j'ai
compris que l'on avait plafonné et puis à un moment donné
il était clair que Tc était d'autant plus élevé
que la bande de conduction était plus étroite. Et plus la
bande de conduction est étroite plus le matériau est instable
et a tendance à se dismuter en donnant un mélange de deux
phases. J'ai compris cela très vite mais beaucoup ne l'ont pas
compris. Il y a donc eu un emballement. Il a rapproché les chimistes
des physiciens.Il est dommage que personne n'ait proposé un modèle
simple permettant aux chimistes d'innover de manière simple comme
on avait innové dans le domaine de la conductivité ionique,
du magnétisme, de la ferroélectricité, des magnéto-optiques
... ou même des composites thermo-structuraux. Il a manqué
quelqu'un qui propose un modèle intuitif liant les propriétés
à la liaison chimique. Goodenough
aurait pu le faire mais il était trop vieux, trop pressé
de publier des matériaux miracles. Les matériaux miracles
sont difficiles à reproduire. Celui qui essaie il n'a pas le même
four ... Ces matériaux sont métastables, ils ne sont jamais
parfaitement purs. Ils n'ont jamais le même nombre de lacunes d'oxygène.
Donc ce n'est jamais parfaitement répétitif. Cela exclut
toute réplication sérieuse parce qu'un matériau n'est
utilisable industriellement que s'il est relativement simple à
préparer et à utiliser. Telle est la raison de l'échec
de la diode Josephson sur laquelle IBM a dépensé beaucoup
d'argent. A l'époque j'étais d'ailleurs conseiller d'IBM.
BBV: Est-ce qu'il y a eu des matériaux sortis de vote laboratoire
qui ont été industrialisés?
PH: Il y a d'abord eu les varistors. J'ai fait beaucoup avec la Thomson
CSF dans ce domaine. Il y a eu LixCoO2 et puis il y a les céramiques
composites de R. Naslain: fibres de carbone infiltrées par SiC
qui permet de travailler à des hautes températures pour
les matériaux de rentrée de la fusée ou du satellite
dans l'atmosphère. Car lorsque l'engin revient dans l'atmosphère,
il y a un risque d'oxydation. L'astuce consistait à infiltrer -
non pas déposer en surface - SiC à partir d'une phase vapeur.
Alors à l'air SiC s'oxyde en donnant SiO2 qui s'infiltre dans le
matériau à base de carbone et permet de le prolonger.
BBV: Pourriez vous préciser quelles étaient vos relations
avec l'industrie et comment elles ont évolué?
PH: J'ai toujours eu des relations avec l'industrie. Quand j'étais
à Rennes j'ai été contacté par Raymond Paul,
un des responsables de la recherche à Rhône Poulenc et il
m'a vivement encouragé à travailler avec Rhône Poulenc.
J'ai eu plusieurs bourses de thèses payées par l'industrie
- parfois il fallait publier des résultats plus tard. Rhône
Poulenc a payé la thèse de Michel Pouchard sur les bronzes
de vanadium au début des années 60. Ensuite il m'a paru
tout naturel de travailler avec l'industrie. J'ai travaillé avec
Saint-Gobain sur les verres, en particulier sur les verres conducteurs
du lithium et du sodium avec Levasseur, sur les verres sulfurés
à base de B2S3. Les verres sont un matériau merveilleux.
Ils ont une composition qui est flexible. Vous tombez un peu à
côté, cela n'a pas d'importance les propriétés
ne sont guère modifiées. Vous n'avez pas le problème
des matériaux cristallins où, par suite de la moindre erreur,
de la moindre difficulté de préparation, une deuxième
phase d'impuretés se forme à côté. Là
il vous reste une phase . D'autant plus qu'on peut préparer les
verres par trempe brutale donc énormément de matériaux
sont vitreux alors qu'il y a 30 ou 40 ans c'était différent.
J'ai eu beaucoup de liens avec l'industrie locale: Aérospatiale
et SNECMA, avec SNPA (société nationale des pétroles
d'aquitaine: ancêtre d'Elf) sur comment purifier le gaz de Lacq...Ma
porte était toujours ouverte, on élargissait le champ de
nos recherches à la demande car l'industrie n'est pas un boulet.
BBV Est-ce que ces liens étaient encouragés par le CNRS?
PH: Le CNRS était informé bien sûr. Et puis quand
on est devenu un laboratoire propre en 1966 Curien était très
favorable aux relations avec l'industrie. On a un des contrats avec Saint-Gobain,
avec Rhône Poulenc devenu Rhodia, avec Ugine Kuhlman devenu Péchiney.
Nous avons même eu des liens avec General
Electric aux USA pour les borures, avec BASF
sur le di-oxyde de chrome pour les bandes d'enregistrement.
BBV: Quelles sont les méthodes et techniques utilisées
dans votre laboratoire? Et comment ont-elles évolué au cours
de votre carrière?
PH: Au début le B-A-BA c'était la diffraction X. Puis
pour bien comprendre la structure on a eu un équipement pour des
monocristaux. On a préparé des mono-cristaux pour déterminer
les structures. Maintenant on a fait de gros progrès et on peut
sur des spectres de poudres lorsque la poudre est de bonne qualité
déterminer la structure par les méthodes Riedveld en faisant
des hypothèses simples sur la structure la plus probable. La diffraction
X a été fondamentale et a débouché ensuite
sur la microscopie électronique en transmission qui permet de voir
les défauts locaux. C'est merveilleux. La diffraction X était
une méthode à grande distance. Par contre la microscopie
électronique en transmission vous donne les défauts localisés
et étendus. C'est une préoccupation que j'ai eu beaucoup
à propos de non-stoechiométrie. Quand on passe d'une phase
perovskite ABO3 à une phase brownmillérite A2B2O5, on perd
de l'oxygène. Alors à haute température les lacunes
d'oxygène sont désordonnées. A température
plus basse, elles s'ordonnent en fonction du cation B. Quand c'est du
fer ou du gallium, un cation isotrope, on a soit des tétraèdres
parce qu'il y a pas de lacune, soit des octaèdres car les lacunes
marchent par deux. Donc dans une structure brownmillérite on a
une séquence octaèdre,-tétraèdre, octaèdre-tétraèdre,
et dans la structure perovskite c'est octaèdre-octaèdre-octaèdre.
Alors on peut trouver à condition de faire des recuits à
température assez basse - quelques centaines de degrés -
. des phases intermédiaires avec 2 couches octaèdres, 1
couche tétraèdre, 3 couches octaèdres, 1 couche tétraèdre.
Et bien sûr quand on chauffe le désordre s'installe à
cause de l'entropie d'empilement. On a étudié de manière
systématique comment on passe de défauts isolés aux
défauts ordonnés, étendus. Et cela a des conséquences
au point de vue de la conductivité de l'ion oxygène. Parce
que maintenant on a de nouvelles préoccupations. On veut par exemple
extraire l'oxygène de l'air par des membranes de perovskite lacunaire
ou détruire les traces de CO en oxydant par l'eau. Dans ce cas,
vous avez CO2 - qui est quand même moins toxique que CO, sauf sur
le plan idéologique - et vous avez de l'hydrogène. On utilise
des perovskites lacunaires qui doivent être conducteurs de l'oxygène
- ce qui est normal - mais aussi conducteurs électroniques car
le transfert se fait sous tension donc il faut que les ions O2- migrent
à travers les lacunes de la structure. Il y a donc un aspect pratique
pour les capteurs d'oxygène, la purification des gaz. Les Norvégiens
utilisent ces méthodes massivement pour transformer le gaz de la
Mer du Nord en un gaz exempt de CO. Norsk-Hydro
dépense des sommes considérables pour cela. J'ai été
invité pour parler avec les gens impliqués par ces recherches.
Donc pour résumer: nos efforts se sont situés à l'interface
entre physique et chimie et se concentraient sur l'étude des relations
entre composition, structure et propriétés avec la perpective
d'applications industrielles.
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